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C'était le cinquième jour.

La pêche en Provence, c'est toute une histoire. La pêche remonte à l'aube de l'humanité et a traversé les siècles pour nous parvenir. Les Romains étaient déjà friands de poissons. Ils les élevaient dans des fermes aquacoles et les représentaient au travers de mosaïques. Nous sommes les dépositaires de cet héritage mais nous n'en sommes pas les propriétaires. Ce qui suit renvoie à cette somme de connaissances -le plus souvent empiriques- qui nous sont parvenues. La science contemporaine, loin d'invalider, ces pratiques ancestrales, commence à peine à les expliquer. Aujourd'hui, alors que nous nous berçons d'écologie, peut-être parce qu'elle est concomitante de la destruction de notre environnement, nous ne pouvons que rendre hommage à nos anciens qui ont su préserver cette ressource et élever la pêche au rang du sacré.

Mosaïque représentant un poisson

Au bon moment, au bon endroit. Tout le comportement d'un être vivant réside dans la nécessité de trouver de la nourriture pour assurer sa reproduction en tentant de survivre dans un environnement hostile. Tout à la fois prédateur et proie, les considérations qui suivent renvoient à cet impératif : assurer la reproduction du gène au travers d'une panoplie de dispositifs.

Les poissons ont développé l'art du mimétisme à un très haut niveau de performance : poissons plats enfouis dans le sable et rascasses aux couleurs rouge sombre se camouflent parfaitement dans les roches. En pleine eau, la répartition des couleurs sur le corps du maquereau lui permet de se dissimuler aussi bien en contre plongée, son ventre blanc se confond avec la lumière du ciel, qu'en plongée ou son dos sombre s'évanouit alors avec le fond. Les dards des vives ou les dents d'une daurade sont des outils bien efficaces... Les bancs permettent aux petits poissons de se protéger des prédateurs en feignant de constituer une masse plus importante mais les prédateurs peuvent alors aussi chasser en nombre pour être plus efficace !

Si les poissons ont un système nerveux rudimentaire en comparaison du nôtre, il n'en demeure pas moins qu'il est suffisamment évolué pour leur avoir permis de survivre jusqu'à aujourd'hui. Les sens olfactifs et visuels occupent une place essentielle. Les poissons de surface ont une vision binoculaire particulièrement développée. Ils voient les couleurs et les prédateurs ont un champ de vision encore plus important. Cependant leurs visions s'adaptent mal aux distances. La ligne latérale constitue le sens spécifique du poisson. Elle lui permet de se situer à l'aveugle dans son environnement, de ressentir toute vibration, de réagir à la température, d'évaluer la pression... Pêcher c'est se mettre en position de prédateur dans un environnement qui n'est pas le nôtre par la connaissance que nous avons de ce milieu... Bien entendu, il n'existe pas de martingale !

Le comportement d'un poisson dépend de différents tropismes. La température de l'eau de mer, la salinité, la luminosité ou encore l'oxygénation vont conduire ces espèces à assurer leur reproduction en évoluant dans un milieu en constante modification. Par exemple, la température de l'eau de mer dépend intimement de la saison, des vents et des courants. Dès la fin de l'hiver, avec l'allongement des journées et le réchauffement climatique, l'activité de la chaîne alimentaire se développe et les poissons se rapprochent de la côte où ils peuvent trouver à nouveau de la nourriture et frayer. L'activité augmente alors. Avant le frais, le plus souvent en automne, les espèces se trouvent sur la côte où elles recherchent une nourriture abondante. Ainsi, en fin de saison, les différentes espèces sont les plus grosses possibles et ont un appétit particulièrement développé.

Pendant la période de frai, les espèces s'éloignent du bord et se regroupent pour rejoindre la thermocline où la température est constante, 13ºC toute l'année à partir de 50 mètres. Cette migration permet aux mâles et aux femelles à cette température de déclencher le processus de génération de la semence et de l'ovulation. Sur la Côte d'Azur, ces déplacements ont peu d'amplitude à la différence de la Manche. Pour la plupart de ces espèces, cette période se situe en hiver (pour le loup de décembre à mars), au début du printemps (pour la dorade, l'oblade, le marbré, le sar, la girelle et la saupe) et en été pour le congre. Pendant ces moments, l'alimentation du poisson est limitée et ces périodes sont variables en fonction des conditions climatiques. Ils vont frayer plusieurs fois puis ils vont se rapprocher des Côtes avec l'augmentation de la température de l'eau. Par exemple, la dorade pourra être à nouveau pêchée du bord lorsque la température de l'eau aura atteint 18ºC.

Le loup ou le sar recherchent des eaux agitées, celles qui se trouvent être les eaux les plus oxygénées et qui drainent le plus de nourriture. La nuit, alors que la température de l'eau diminue donc la concentration d'oxygène augmente, le loup se rapproche des côtes pour chasser.

La luminosité est un élément déterminant. L'aube et le crépuscule sont des moments à privilégier. En règle générale les poissons prédateurs comme les loups ou les barracudas se rapprochent alors du bord où se trouvent leurs proies qui ne les voient pas venir. On chasse de nuit. La lune peut alors jouer un rôle. Le lever de lune correspond à un moment où plus d'attaques peuvent se déclencher car la lumière diffuse permet alors de mieux distinguer les proies (il s'agit ici de l'aspect visible du lever ou du coucher de lune qui ne correspond pas avec les heures de marées). Les saupes ou les dorades peuvent se pêcher en plein après-midi car la saupe se nourrit de l'herbier de posidonie et la dorade est un poisson fouisseur. Le poisson de roche est du matin...

Les courants marins occupent une place majeure. Les mini-marées méditerranéennes ne sont pas à négliger. Quand la mer monte ou est haute, le poisson est le plus actif. De même, les jours à fort coefficient sont à favoriser. C'est-à-dire les jours qui précèdent ou qui suivent la nouvelle lune ou la pleine lune.

Moments favorables et défavorables en fonction de la lune

Attention, les horaires de marées se décalent d'un jour à l'autre ! Ces considérations reposent sur l'idée que plus la mer est en mouvement plus il y a de nourriture dans l'eau détachée des berges et brassée. Les courants qui drainent ces particules alimentaires sont à rechercher en priorité. Ce sont les embouchures, les ports et les courants sortants qui apparaissent devant les plages avec le vent. Les poissons se tiennent alors en bordure de ce couloir face à ce courant pour capter les proies qui peuvent passer. Le pêcheur peut se poster plus efficacement et brouméger dans le courant pour faire venir le poisson à lui.

Les conditions climatiques participent aussi de cette idée. Quand les vents se dirigent vers la côte, chez nous le vent d'est, ils contribuent au brassage des fonds, c'est pourquoi les périodes qui précèdent ou qui suivent un coup de mer sont favorables. En somme quand la mer est agitée, la situation est favorable pour la plupart des espèces. En pleine tempête, la pêche se gatte... Les poissons de roche aiment une mer calme.

La turbidité est aussi à prendre en considération, une eau troublée riche en particules constitue une manne pour des poissons aux aguets. Quand l'eau est trouble, vous pouvez pêcher sur toute la hauteur d'eau de jour comme de nuit tandis que lorsqu'elle est claire, il vaut mieux pêcher à fond de jour. Suite à une crue, la salinité de l'eau de mer a pu évoluer, seuls les poissons euryhalins resteront sur le poste. En zone rocheuse, il vaut mieux éviter les caps ou les pointes dont les fonds sont dénudés pour préférer des endroits plus abrités, riches en flore et en faune. Dans tous les cas de figure, repérer les courants sortants ; ils définiront le poste.

Le régime alimentaire des poissons recherchés constitue une donnée incontournable. L'alimentation des poissons se définit par son environnement. Elle varie d'une espèce à une autre (la plupart des espèces sont carnivores mais il existe aussi quelques espèces herbivores comme la saupe par exemple) et d'un moment de l'année à l'autre... Il convient donc de présenter des appâts les plus proches possibles de l'alimentation du poisson ou un leurre qui comme son nom l'indique pourra paraître comme une proie potentielle. A noter qu'il ne s'agit pas nécessairement de ressemblance visuelle. Une nage désordonnée (un vif malmené, un crabe à la carapace brisée, une holothurie éventrée, un leurre travaillé de droite ou de gauche, de haut en bas ou à la tirette) peut intriguer un prédateur. Des vers bien vivant qui se débattent sur le fond, une stimulation olfactive (avec du broumège), auditive (avec les billes contenues dans certain leurres), ou visuelle (dans la couleur de ces leurres ou de ces appâts) excitent plus d'un prédateur. Il faut alors pouvoir lui présenter un appât ou un leurre le plus naturellement possible, c'est-à-dire sans que l'artifice de la ligne ne soit détecté ! Il faut imiter une proie facile. On peut tenter de sélectionner les prises. En règle générale, aux gros appâts les grosses prises. Il en va différemment de la taille des leurres : ils excitent tout particulièrement les loups et les barracudas. Il existe des leurres de surface, des leurres plus ou moins plongeant, avec des billes, de tous les coloris possibles, de toutes les tailles, des leurres souples, des leurres à tête plombée, des leurres rigides. Dans le monde du leurre tout est possible! L'éléments le plus déterminant : le maniement du leurre. Pour les coloris, il semblerait que le rouge-orangé soit du soir et le bleu du matin.

Dans cette logique, il s'ensuit des montages les plus discrets possibles, c'est-à-dire avec de longs bas de ligne, des fils au diamètre le plus petit possible, des plombs coulissants... Le bas de ligne est d'autant plus long et le diamètre du fil est d'autant plus petit que la mer est calme, que le fond n'est pas encombré et qu'il correspond au minimum acceptable de résistance au regard du poisson ciblé. Les fils en fluro carbone sont invisibles et peuvent présenter un atout de jour pour les poissons chipoteurs. Si la résistance d'un fil est une donnée importante, son élasticité est déterminante : une grande élasticité rend le ferrage plus difficile mais limite les risques de casse dus aux à coups des prises. La tresse n'a à peu près aucune élasticité etelle est plus résistante que du nylon à diamètre équivalent mais présente l'inconvénient dans son utilisation car elle a tendance àfaire des perruques... Elle se prête mal à la pêche au leurre. Au bouchon, l'hameçon doit être suffisamment éloigné du bouchon et de la plombée pour que le bouchon n'emprime pas son mouvement à l'appât. Quand les conditions le permettent, il faut aller jusqu'à supprimer le bouchon lui-même pour que l'appât ait plus de liberté ! Il faut donner l'illusion que l'appât se meut le plus naturellement possible dans l'eau, au grès du courant sans aucune interférence quelconque. C'est en cela qu'une mer un peu agitée ou trouble est bienvenue parce qu'elle donne l'illusion d'un appât plus en harmonie dans son environnement. S'il existe une multitude de montages différents, ils ne sont en réalité que la déclinaison de quelques uns. Pêche au bouchon, pêche au leurre (rappala ou poisson nageur précédé d'une bombette ou d'un buldo) et pêche à fond (plombée coulissante ou terminale). Bien sûr, toutes choses égales par ailleurs, il faut adapter le montage aux spécificités locales, les espèces recherchées, l'état de la mer... Ce sont les appâts qui déterminent en priorité le choix des hameçons. Ils doivent être en proportion et l'hameçon ne doit idéalement pas apparaître. La pointe ne doit pas ressortir des appâts tendres mais doit éffleurer sous sa chair tandis que pour les appâts durs, la pointe et l'ardillon de l'hameçon doivent ressortir pour piquer plus efficacement la proie.

Pêches des plages ou des secteurs rocheux, des embouchures ou des ports, pêches à poste fixe ou itinérantes, pêches aux appâts ou aux leurres, pêche du tout venant ou d'une espèce particulière... Il y en a pour tous les goûts.

Copyright © Pierre Le Coq, Bruno Quevillart